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Pierre d'écriture

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4 novembre 2016

La loi du travail (extrait N°3)

   Mes parents venaient d'acheter une résidence secondaire en Normandie, dans la Manche, près de Granville : à Kairon Plage, exactement, entre Jullouville Les Pins et Saint-Pair sur Mer. Je ne sais pas comment ils ont trouvé l'argent vu que ma mère se plaignait tout le temps qu'elle n'arrivait pas à boucler les fins de mois. Enfin, il faut bien préciser que ce n'était pas le grand luxe non plus, loin de là, très loin de là : c'était un bâtiment bas, à peine plus grand qu'un mobil-home, avec un toit en tôle ondulée, et pratiquement tout à refaire à l'intérieur. Mais c'était tout près de la mer. Certes on ne la voyait pas de notre cabane améliorée, mais elle était vraiment très proche. Nous y passâmes nos premières vacances l'été de mes seize ans, un été qui fut pour moi un véritable retour à la lumière.

   Les vacances étaient d'ailleurs presque terminées lorsque je réussis enfin à sortir avec une fille. J'étais enfin parvenu à franchir le pas ! Elle était en vacances aussi, elle s'appelait Cécile et elle avait mon âge. C'était une normande qui venait de Sainte-Adresse, près du Havre. Un soir, sur la plage, au clair de lune, j'avais réussi à vaincre ma timidité... D'abord, je lui avais pris la main, puis, m'enhardissant, je l'avais embrassée... Moi qui avais si peur d'être repoussé, comme j'avais été surpris par la fougue et la passion avec lesquelles elle m'avait rendu mon étreinte ! Comme tout cela avait été simple, au fond, si simple et si facile ! Puis on s'était allongé sur le sable, abrités par les dunes herbeuses, et on s'était embrassé en se caressant ; très vite, je lui avais dénudé la poitrine en faisant glisser son soutien-gorge sans le dégrafer... Ses seins étaient très blancs, un peu petits...

    Vers une heure du matin, on s'était finalement décidé à rentrer, saisis par le froid de la nuit, n'osant ni l'un ni l'autre aller jusqu'au bout de nos caresses ; mon sexe, tendu à éclater contre la toile de mon jean me faisait mal et la douleur du désir longtemps agacé et non assouvi irradiait dans mon ventre. Je frissonnais en la quittant mais j'étais si heureux ! J'avais la sensation d'avoir remporté une immense victoire. J'étais certain que tout allait marcher maintenant, qu'une nouvelle vie s'offrirait à moi, une nouvelle vie que je pourrais dévorer à pleines dents, en conquérant. Ce bloc de pierre qui m'avait retenu prisonnier si longtemps, pétrifié que j'étais dans l'angoisse de ma timidité et de mon inexpérience volait en éclats dans la soudaineté d'une explosion. Et la charge de dynamite avait été cette première fille qui avait accepté mes avances, qui venait de « sortir avec moi » ! C'était l'expression consacrée ! Enfin, j'étais sorti avec une fille ! Je lui devais une fière chandelle à cette représentante de l'espèce féminine qui m’attirait et me repoussait depuis si longtemps : elle avait opéré en moi une véritable résurrection... Bien sûr, elle me laissait un peu sur ma faim mais je ne lui en voulais pas : je sentais trop que sa peur de l'inconnu, sa passion exacerbée étaient à la mesure de nos inexpériences respectives, de nos fantasmes inassouvis et effrayants...

    Le lendemain, nous poussâmes un peu plus loin nos agaceries mutuelles et, après lui avoir longtemps caressé le sexe, la braguette dégrafée, je lui montrai comment caresser le mien. Elle le fit avec une certaine retenue au début, comme si elle touchait un objet interdit... Avec beaucoup de maladresse, aussi, et elle me faisait mal mais je jouis tout de même avec une rare violence. Je jouissais pour la première fois grâce à une autre main que la mienne : c'était si bon cette sensation de dépendre d'une autre volonté que la sienne et de pouvoir s'abandonner à la jouissance !

     Notre aventure ne dura que quelques jours puisque les vacances touchaient à leur fin. C'est souvent dans les derniers jours des vacances que se produisent les événements les plus inattendus et les plus espérés à la fois, que se passent les meilleures choses, celles auxquelles on n'osait même plus croire... On sentait déjà un avant goût d'automne à la nuit qui tombait plus tôt, plus froide et plus humide... Il allait falloir rentrer, elle au Havre, moi dans la région parisienne, pour la rentrée scolaire. Il fallait se dire au revoir, promettre de s'écrire, qu'on se reverrait aux prochaines vacances mais y croyait-on seulement ?

   Dès le premier jour de la rentrée, au lycée Lakanal, à Sceaux, je sentis très nettement que tout allait prendre une tournure très différente de ce que j'avais connu à La Poterne à Massy. Tout de suite, je me plus dans ces vieux murs qui avaient vu défiler des générations de potaches ; j'aimais l'ambiance de ce lycée qui, contrairement aux autres, n'était pas mixte. Il n'y avait que des garçons, comme si le temps s'était arrêté à la fin du dix-neuvième siècle... Pas de filles pour tester ma nouvelle assurance, ma toute nouvelle confiance en moi... Mais peu importait : avoir changé de lycée, c'était comme si j'avais changé de peau. Et je ne serais retourné à La Poterne pour rien au monde, même si là-bas, il y avait des filles comme dans la plupart des lycées de France des années soixante-dix ! Fréquenter un nouveau lieu, c'était très important pour moi car ici, personne ne m'avait connu tel que j'étais l'année précédente, si mal dans ma peau, si gauche, si emprunté, si timide, si triste... Peut-on changer vraiment quand rien ne change autour de vous ? J'avais laissé à La Poterne le garçon qui restait dans son coin, qui avait peur de tout, qui ne riait jamais avec les autres. Le nouveau, celui qui arrivait à Lakanal, je le découvrais avec ravissement, chaque jour avec un peu plus de plaisir. C'était un bonheur intense, qui n'était pas dénué non plus d'étonnement face à cette métamorphose aussi soudaine que radicale... Et puis, je n'étais plus le bébé de la classe : j'avais perdu mon année d'avance. J'étais plein d'assurance, je riais avec les autres, je me faisais des copains sans problème, j'avais la sensation d'être devenu populaire... Je n'étais plus celui qui compte pour du beurre, celui que l'on évite lorsqu'on a des affaires importantes à évoquer, qu'on tient toujours à l'écart lorsqu'il se prépare quelque chose d'important, qu'on regarde avec condescendance et une pointe de mépris. Si j'étais resté à La Poterne, ce personnage m'aurait, j'en suis certain, collé à la peau... Je ne me reconnaissais plus moi-même et cette sensation était terriblement fascinante. Comment une telle assurance pouvait-elle s'être épanouie en moi, juste après une petite amourette et quelques caresses sur une plage de Normandie ? Par quelle incroyable magie ou sorcellerie ce petit adolescent que personne ne remarquait s'était-il transformé à ce point-là ?

   Sur le plan scolaire, je ne tardai pas non plus à prendre la tête de la classe. Je me sentais fort aussi de ce côté-là, rayonnant d'une confiance brutalement retrouvée...Même en physique, ce qui était particulièrement surprenant compte-tenu du désastre de l'année précédente... J'obtenais les meilleures notes. C'était presque incompréhensible : tout redevenait clair, lumineux et j'avais l'impression d'avoir recouvré mon intelligence perdue... A tel point que je me disais que ma mère avait peut-être finalement bien eu raison d'insister à toute force pour que je m'oriente dans une filière scientifique, que les profs particuliers avaient raison quand ils prétendaient qu'un jour j'aurais le déclic, et que, tout compte fait, une véritable mutation s'était opérée en moi, jusque dans mes aptitudes et ma forme d'intelligence...

    Le manque d'argent et l'angoisse pour l'avenir, les fins de mois très difficiles revinrent au premier plan. Mon père adoptif était de nouveau au chômage mais, cette fois, il ne retrouvait pas une autre boîte dans laquelle se caser. C'était le marasme chez les constructeurs de maisons individuelles et il arrivait à un âge où il ne fait pas bon perdre son emploi. Il avait dix ans de plus que ma mère et il avait commencé à travailler tellement tardivement... Il avait beau avoir des relations, comme il disait, et qu'on ne pourrait pas le laisser sur le carreau bien longtemps, rien n'y faisait et les mois passaient et ma mère se désespérait. Elle commençait à ne plus rien vouloir croire, à ne plus rien vouloir espérer, à se dire que, peut-être, et tout compte fait, ses parents avaient bien raison de répéter, depuis des années, que Jean était un bon à rien et qu'il ferait toujours vivre dans le besoin son épouse, dans les difficultés matérielles incessantes... Et que cela n'aurait aucune chance de s'arranger vraiment durablement...

     Elle prit de plus en plus l'habitude de se confier à moi : son amertume lorsqu'elle évoquait la vie qu'elle avait mené depuis son premier mariage était immense, presque absolue. Elle avait été mariée avec deux hommes et le premier avait été trop faible pour assumer ses responsabilités, trop lâche, manquant de la force de caractère la plus élémentaire, et il l'avait lâchée juste après lui avoir fait un gosse, et le second, par contre, s'il dégageait une impression de force, lui, était trop volage, trop « je-m'en-foutiste »... Il l'avait bercée d'illusions mais il n'avait pas assuré mieux que le premier et pour des raisons totalement opposées : le premier prenait les choses trop à cœur et se faisait une montagne de tout, tandis que le second se fichait de tout et n'accordait réellement d'importance à rien. A part le tennis et les filles... C'était un coureur de jupons, qui faisait le joli-cœur à la moindre occasion et d'ailleurs, il avait sans doute dû la tromper à plusieurs reprises ! Elle ne savait pas tout et c'était sûrement mieux ainsi. Elle avait un enfant de chacun d'eux, et elle se retrouvait toujours seule pour les élever, avec le porte-monnaie toujours désespérément vide... Elle me disait invariablement :

« — Jean-Pierre, surtout, fais-toi une bonne situation, le manque d'argent, c'est terrible ! »

    Je me sentis à ce moment-là de nouveau très proche d'elle. Elle avait grand besoin de moi : j'étais celui qui pouvait suppléer aux défaillances des deux autres, elle n'avait plus que moi... J'avais changé, c'est vrai, j'avais mûri : ma barbe poussait et il me fallait me raser régulièrement, ma voix était devenue grave... Mes passions, mes envies, mes paroles étaient maintenant celles d'un adulte : j'étais presque un homme et elle me considérait d'un œil neuf. Je sentais parfois dans ses yeux, au beau milieu de sa détresse, une attirance physique, quasi charnelle. J'étais son Homme désormais, le seul sur qui elle pût compter. Elle avait envie que je la prenne dans mes bras, que je la protège à mon tour, mieux que n'avaient pu ou su le faire ses deux maris...

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18 octobre 2016

Inauguration du Lieu

Samedi 15 octobre 2016, chemin de la Pimentière, à Gambais... Il est 15h30 et il règne à cet endroit d'habitude fort calme une agitation inhabituelle. Des tas de voitures cherchent à se garer et un vaste parking a été aménagé dans un champ attenant. Il y a déjà beaucoup de véhicules garés sur l'herbe coupée ras pour l'occasion. C'est le grand jour, c'est l'inauguration du Lieu !

15-10-1La première chose que j'aperçois, après être entré, c'est cette réalisation en direct d'une fresque vivante : quelle magnifique idée ! Le résultat sera sans doute superbe... Je connaissais les locaux pour y être venu fin mars, après le guet-apens poétique à Pontchartrain. Le travail qui a été fait depuis ! Je n'en reviens pas ! Et encore, je n'ai pas connu l'endroit au moment où ils l'ont récupéré, il y a près d'un an. C'était une ancienne maison de retraite de la RATP, abandonnée depuis des années, squattée, délabrée, en piteux état, livrée aux ronces et à l'humidité. Quel courage ! Quelle persévérance ! C'est déjà dur quand la maison est à soi, qu'on vient de l'acheter (j'en sais quelque chose avec la Maison de Chenevières) mais là, c'est encore pire, quand on est seulement titulaire d'un bail précaire, et que l'on fait tout ça tout en sachant qu'on peut être mis à la porte quasiment du jour au lendemain...

15-10-2Sur une colonne Moris récupérée on ne sait où figure la liste des réjouissances et le menu est fort copieux et fort alléchant !

La première scène à laquelle j'assiste se déroule dans le petit bois, derrière, et c'est Papy Alfred ! Vraiment un beau moment de théâtre et de poésie...

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15-10-3La poésie est partout. Autour d'un arbre s'enroulent les volutes de livres sauvés après la conquête de la médiathèque par les enfants de Pontchartrain au cours du guet-apens poétique, et une horloge est adossée à cet arbre, comme dans un poème de Rimbaud...

15-10-4Cécile a de l'enthousiasme et de l'énergie à revendre ! Quand on la voit, comme ça, dans les serres, on se dit que, décidément, c'est bien vrai que la foi peut déplacer les montagnes !

15-10-5Et puis, il y a de nombreux bénévoles, et j'en connais bon nombre d'entre eux car j'ai joué avec eux dans l'un des spectacles d'Escapade et ça crée des liens très forts !

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Marion anime avec maestria une table ronde qui donne la parole à un membre de la RATP, propriétaire des Lieux, et l'ex homme d'entretien des lieux... Ils se disent contents tous les deux que le Lieu revive ! Marion a de l'avenir en tant qu'animatrice de radio ou de télévision !

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La deuxième scène à laquelle j'assiste est celle de Laura qui jardine et qui se pose en même temps des tas de questions existentielles. Le côté philosophique de cette scène, juste après la table ronde, me donne une idée : et si on faisait, un jour, un grand évènement philosophique ? Il y aurait comme cela, un peu partout, des scénettes en rapport avec une réflexion philosophique, et des tables rondes auxquelles pourraient participer le public et ils choisiraient celle qui les attire le plus, celle où l'on parle d'amour, par exemple... d'autres seraient plus attirés par celle où l'on débat de la liberté, tandis que d'autres encore choisiraient le bonheur...

15-10-10La scène de danse à deux dans la serre avec Adèle et Laetitia est magnifique, poétique, aérienne...

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15-10-11Pendant ce temps, la fresque avance bien et elle gagne en hauteur... c'est beau...

15-10-12Dans la caravane, très cosy, on peut s'installer confortablement, et visionnet les films des différents spectales ou le clip de Romane et Tom. c'est une bonne idée !

15-10-13Cécile est en grande discussion avec Jean-Michel Coubart...

15-10-16Les enfants aussi font des scènes et là, c'est "les picolos", une scène reprise du spectacle de La Queue les Yvelines, "Chroniques d'un village"... Je n'ai malheureusement pas des photos pour toutes les scènes auxquelles j'ai assisté car il y avait des endroits où, par manque de lumière ou manque de recul, les photos n'ont rien donné de valable... Mais, par exemple, Manon nous a donné une très jolie scène dans le grenier... Dans la cuisine aussi, il y a eu de belles choses...

15-10-17L'un des grands bonheurs de cette journée, c'est aussi de se revoir entre participants des différents spectacles, car, comme je le disais, ces évènements ont créé, chaque fois, des liens très forts entre nous ! Et des liens inter-générationnels, ce qui est encore plus meveilleux !

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La nuit est tombée et la buvette bat son plein. Il y a un restaurant à prix libres et on y mange super bien ! Le groupe Bélisaire de Pontchartrain se met à jouer... Alexis projette un film qu'il a tourné aux étangs de Hollande, film sonorisé en direct par des musiciens et ça se passe dans le petit bois derrière, et c'est magnifique...

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Les bénévoles bossent bien à la buvette mais n'en oublient pas pour autant de sourire et d'être heureux ! Ici, contrairement à beaucoup d'autres endroits sur cette terre et dans ce pays, le travail rend heureux !

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Au moment où je me sens dans le même état qu'elle, je me décide à rentrer dormir... Je quitte le Lieu en me disant que c'était une très belle journée, une inauguration vraiment réussie !

19 juillet 2016

La loi du travail (extrait N°2)

Voici un nouvel extrait de mon prochain roman, qui va, je pense, s'appeler "La loi du travail"...

 

Les débuts à Vals Les Bains ne furent pas des plus faciles non plus. Jean Méjean, avait certes beaucoup de prestance mais il occupait une position professionnelle très précaire sinon inexistante. Ses parents tenaient une charcuterie à Vals, Faubourg d'Antraigues, et il était censé les aider, pas dans la boutique, mais s'occuper des livraisons, des relations avec les clients, les restaurants... En fait, il passait le plus clair de son temps au tennis-club de Vals. Très détaché des contingences matérielles de ce bas-monde il n'avait occupé jusque là qu'une petite chambre sans confort à l'arrière de la charcuterie. Et c'était dans cette chambre sans commodité qu'il avait fallu s'installer avec un gamin de deux ans. Qu'importe ! Ma mère avait trouvé le grand amour ! au début, les événements lui étaient apparus sous un jour plutôt romantique et il soufflait un air de si grande liberté dans cette chambre minable, dans cette arrière-cour de charcuterie ! Un décor quotidien qui, pourtant, ne tarderait pas à lui paraître trop étroit, puis misérable et sordide...

 

Mes souvenirs de ces premiers temps à Vals Les Bains sont très confus, voire inexistants. Ils procèdent pour une bonne part de ce que ma mère m'a raconté par la suite. Néanmoins, un souvenir, le premier vraiment inscrit en moi, est celui de mon premier essai d'école. L'école maternelle. Prime souvenir lié à une formidable angoisse... Ce n'était pas l'école maternelle que j’allais fréquenter par la suite. Non, c'était l'école des sœurs, l'école privée, dans une avenue sombre bordée de platanes... Je n'y suis pas resté longtemps, quelques jours tout au plus. J'avais eu la sensation très nette d'y être abandonné. Chaque fois que l'on me déposait dans cet endroit sinistre, je devais me figurer qu'on ne viendrait plus jamais me chercher. Combien de temps après être arrivé à Vals avait-on tenté de me mettre dans cette école ? Je ne saurais le dire...

 

Pour retrouver d'autres souvenirs d'école maternelle, il me faut attendre la classe de Madame Désormeaux, à l'école maternelle d'en haut, l'école publique cette fois. Une petite cour asphaltée, des soirs gris qui sentaient le café fraîchement torréfié, et la mélancolie. Cette école, elle était de l'autre côté de la rivière, la Volane, dans une rue qui montait assez sec. Il y avait des garages à coté, toute une série de garages alignés, et Jean Méjean, mon nouveau père adoptif, y garait sa voiture, une Peugeot 403, dont il était très fier. Dans cette école, j'avais bien voulu rester. Madame Désormeaux était gentille avec moi et je ne m'y sentais pas trop mal, si l'on excepte les autres gosses qui me tourmentaient souvent pendant les récréations que je trouvais toujours trop longues. C'était lui, mon père adoptif, qui m'emmenait à l'école ; ma mère ne pouvait pas car elle travaillait au lycée d'Aubenas comme surveillante. Les six kilomètres qui séparaient Aubenas de Vals, elle les parcourait avec le car qui partait de la place Gallimard. C’étaient les cars Ginoux et un panonceau informait le voyageur qu'il était interdit de parler au chauffeur... Cet arrêt des cars, il était à deux pas de la charcuterie de la Mémé, c'était pratique.

 

Entre temps, ils avaient dû déménager, ou plutôt emménager, car dans la petite chambre à l'arrière de la charcuterie, il n'y avait rien, ou presque. Ils avaient loué un appartement au dessus de la charcuterie et Jean Méjean l'avait fait entièrement refaire par des peintres professionnels, mais il n'avait lui même pas fait le moindre travail, alors qu'il n'avait quasiment aucune occupation professionnelle... Que faisait-il de ses journées ? Le soir, quand je rentrais de l'école, c'était la Mémé qui s’occupait de moi : c'était ainsi que j'avais pris l’habitude d'appeler la mère de mon père adoptif. Elle m'aimait bien et moi aussi, je l'aimais bien. C'était une femme avec le cœur sur la main, comme on dit. Chaque fois que cet expression me vient à l'esprit, je songe à cette personne, certes un peu rustre, un peu bourrue, mais tellement bonne... Quand je rentrais de l'école, elle me servait un bol de lait dans la salle commune, pièce qui servait un peu à tout comme dans les fermes autrefois, et qui communiquait avec la boutique. De temps en temps, quand le tintement de la clochette à la porte d'entrée de la charcuterie se faisait entendre, elle me laissait un moment pour aller servir la cliente qui venait faire ses emplettes. Une fois mon goûter avalé, je la rejoignais dans la boutique et je m'installais derrière la grosse balance Testud ou alors je partais jouer dans la petite cour à l'arrière, à laquelle on accédait en traversant leur chambre à coucher qui donnait sur la salle commune.

 

Les premiers temps où ma mère avait trouvé le changement romantique ne durèrent guère et un an ou deux après notre arrivée en Ardèche, cette époque de concorde était bien loin derrière nous ; le grand amour sans nuage du début n’était déjà plus qu'un souvenir. Je me souviens que dans le petit appartement au dessus de la charcuterie, les disputes étaient fréquentes. Elles tournaient toujours autour du travail et de l'argent, corollaire du premier. Ma mère reprochait à Jean Méjean de ne pas avoir de vrai travail et donc de ne pas rapporter grand chose comme revenu à la maison. Tenir le ménage avec son seul salaire n'était sans doute pas chose aisée... Le travail, j'en entendais parler à chaque dispute, à chaque tension. Le travail, c'était ce que mon père adoptif ne pratiquait pas assez assidûment, visiblement, et c’était ce que je parvenais à accomplir sans trop de peine, à l'école, car on me disait souvent que je travaillais bien... On employait le même mot mais il ne devait pas s'agir de la même chose car de mon côté, même si je travaillais bien, je ne rapportais pas d'argent à la maison... Mais on me disait toujours : « Travaille bien à l'école et, comme ça, tu auras plus tard un bon métier ! » J'en déduisis qu'avoir un bon métier permettait sans doute de rapporter beaucoup d'argent, de faire du bon travail... Moi, plus tard, il faudrait que j'ai un bon métier, comme ça il n'y aurait pas d'aussi vilaines disputes avec ma femme...

 

Mais, le plus souvent j'étais chez la Mémé ; finalement, l'appartement de mes parents, je n'y étais guère. Ma mère était peu présente : elle travaillait au lycée d'Aubenas et elle rentrait tard, peu disponible, souvent sur les nerfs. De simple surveillante, elle était devenue surveillante générale au lycée, ce qui était l'équivalent à l'époque du conseiller principal d'éducation aujourd'hui, et c'était un travail apparemment très prenant... Ce travail la passionnait, disait-elle, mais il avait l'air de beaucoup l'inquiéter aussi. Avec mes mots et mes concepts d'enfant, je n'aurais pas parlé d'un manque certain de sérénité mais je le ressentais très profondément, son stress, quand elle revenait d'Aubenas. D'autant que son poste, chaque année, était précaire : en effet, elle n'était pas titulaire de l'éducation nationale, juste auxiliaire... Aujourd'hui, on dirait vacataire. Pour qu'elle devienne titulaire, il lui fallait passer un concours... Mais pour passer ce concours, il fallait être titulaire d'un diplôme universitaire et elle n'avait que le bac. Alors elle s'était inscrite à la fac de Montpellier pour passer ce qu'on appelait, en ce temps là, propédeutique... Il y avait une partie importante du cursus par correspondance et elle n'était pas contrainte d'aller à Montpellier tous les quatre matins, mais cette obligation d'obtenir propédeutique, ajoutée à son travail de surveillante générale, la rendait encore moins disponible pour moi et augmentait, s'il en était besoin, son stress de façon notoire.

 

De temps en temps, aussi, j'allais chez la Tata, la sœur de la Mémé, qui était couturière et qui habitait aussi dans la même maison, au dessus de la charcuterie. Elle me donnait des « pataris » pour jouer : c'était ainsi qu'elle appelait ses chutes de tissu ; dans ce fameux tiroir qui leur était réservé, il y en avait de toutes les couleurs et de toutes les textures, et j'adorais y fouiller dedans... Je passais des heures à la regarder piquer sur sa machine à coudre qui ferait aujourd’hui le bonheur d'un antiquaire. Je me disais que ce devait être un bon métier, ça, couturière, mais est-ce que j'aurais le droit, moi, de choisir un tel métier, comme j'étais un garçon ?

 

Autant la Mémé était fortement charpentée et d'allure campagnarde, autant sa sœur était petite, fine et gracile. Quand je l'ai connue, c'était déjà une petite vieille, avec une tête de petite pomme ridée, soignée, à l'accent distingué et à l'allure citadine. Elle avait vécu de nombreuses années à Lyon. Je ne pense pas avoir jamais revu deux sœurs aussi différentes. Mais, de cœur, elles se ressemblaient beaucoup et je me sentais aussi bien avec l'une qu'avec l'autre. C'étaient deux univers parallèles et radicalement dissemblables, et pourtant deux endroits où je trouvais la chaleur, où j'avais l'impression d'être aimé pour ce que j'étais.

 

La Tata fut une des premières du quartier à avoir la télévision. Nous allions souvent passer la soirée chez elle pour assister aux émissions de l'ORTF. Une télévision, à l'époque, même si elle n'était qu'en noir et blanc, c'était une formidable attraction, une véritable curiosité. L'assistance devant le petit écran était assez souvent nombreuse, du fait que la Tata faisait profiter, de temps en temps, les voisins de la manne télévisuelle qui était encore toute nouvelle pour nous. L'un de ces soirs, je vis un film qu'on n'aurait sans doute pas dû me laisser regarder : il s'agissait de « La bête à cinq doigts » et je fis de terribles cauchemars plusieurs nuits de suite à cause de ce film qui racontait l'histoire d'une main qui se promenait toute seule !

 

A propos de cauchemars, je me souviens parfaitement d'un autre que je dus faire pour la première fois, à peu de choses près, à la même période, et qui revint très longtemps me hanter : nous étions, la Tata et moi, dans sa petite cuisine, à l'arrière de la pièce principale où se trouvait sa machine à coudre, et elle était en train de faire cuire quelque chose à la poêle, debout devant le fourneau à charbon. La pièce principale était plongée dans l'obscurité et je quittai un moment la cuisine pour aller chercher quelque chose près de la machine à coudre et là, dans la pénombre, au beau milieu de cette pièce, trônait une vieille femme, hideuse, assise dans un grand fauteuil, immobile, les yeux fixés sur moi. Je tournai les talons, effrayé, et j'allai chercher la Tata. Mais quand la Tata revint avec moi, il n'y avait plus personne dans la pièce, tout était parfaitement normal. Ensuite, le même manège se reproduisait plusieurs fois : chaque fois que je revenais seul dans la pièce, la vieille était là, à m'attendre, terrifiante, ses yeux méchants et brillant dans l'obscurité braqués sur moi. Bien entendu, chaque fois que je ramenais la Tata pour lui faire constater l'étrange et terrible phénomène, la vieille femme avait disparu ! Du coup, je me réveillais souvent la nuit en hurlant, terrifié. J'étais un enfant qui « donnait du souci » comme disait ma mère. Comme tous les gosses, se plaisait à répéter mon père adoptif d'un ton blasé et revenu de tout. Non content de réveiller tout mon monde la nuit, je ne poussais pas comme j'aurais dû. J'étais un enfant malingre, chétif, toujours malade. Ma mère m'emmenait voir les meilleurs spécialistes, jusqu'à Montpellier, sans résultat. Tous les fortifiants du monde n'y pouvaient rien, comme avait dit mon père dans la lettre qu'il avait laissée avant de se suicider. Un jour, l'un de ces « spécialistes », un grand « ponte » avait dit ma mère d'un air admiratif et plein de déférence, avait ordonné que j’absorbe du sang de viande rouge à peine cuite, et l'on me forçait à boire de petits verres de cette immonde liqueur. Je détestais ça, et ça m’écœurait au plus haut point. La Mémé avait beau dire qu'il fallait me laisser pousser à mon rythme et qu'il n'y avait pas péril en la demeure, que je n'étais pas plus malade qu'un autre gamin, il n'y avait rien à faire : ma mère ne se lassait pas d'observer avec angoisse mes côtes saillantes sous ma frêle poitrine et se rongeait les sangs, et dépensait tout le temps qu'elle avait à me consacrer à m'emmener en consultation à droite à gauche. Quand j'ai eu mes propres enfants et que je revoyais ma mère, elle me disait tout le temps :

« — Quelle chance tu as d'avoir des enfants qui poussent tout seuls, sans problème ! Si j'avais pu, moi, avoir cette chance, si seulement j'avais pu avoir ces soucis en moins ! J'en avais déjà tellement ! »

La plupart du temps, je ne répondais rien mais je me disais en moi-même :

« — Ma pauvre Maman, les soucis, c'était surtout toi qui te les fabriquais de toutes pièces, et quand il n'y en avait plus, il fallait absolument que tu t'en inventes d'autres ! »

 

 

A la fin de la dernière année de maternelle, je savais lire couramment. Aussi, quelques jours après la rentrée à la « grande école », l'instituteur décida que je n'avais plus rien à apprendre dans cette classe et me fit passer directement dans la classe supérieure. C'est à ce moment-là que les ennuis avec mes condisciples commencèrent. J'avais certes les possibilités intellectuelles pour suivre au cours élémentaire, mais je n'avais pas la taille et la maturité requises pour me faire accepter par les autres. Déjà que ma constitution était plutôt fragile pour mon âge... J'étais le bébé qu'on pouvait trop facilement faire pleurer et c'était un régal pour certains ; les enfants dans une cour de récréation sont comme des loups dans une meute : il y a les prétendants à la domination qui veulent faire étalage de leur force, écarter les autres de leur chemin et toute faiblesse est bonne à exploiter pour se faire valoir. Les railleries, les quolibets, les menaces de coups et la bêtise à affronter tous les jours dans cette cour sous les tilleuls n’appelaient la plupart du temps aucune réaction de la part des maîtres qui faisaient les cent pas dans la cour livrée aux hordes hurlantes, qui ne comprenaient rien ou se désintéressaient totalement des souffrances que pouvaient endurer certains enfants. Pour eux, tout cela n'étaient que des jeux de gamins sans conséquence, des gamins qui devaient bien défouler leur agressivité à ce moment-là puisque c'était prévu ainsi pour que la classe fût calme aux heures d'étude. Mais, pour moi, c'était une angoisse perpétuelle de me retrouver pris à partie dans un coin retiré de la cour, de recevoir quelque mauvais coup dès que le maître aurait le dos tourné ou qu'il serait absorbé par une discussion avec l'un de ses collègues, tout en sachant que ce serait bien inutile d'aller me plaindre à lui ensuite en espérant une quelconque réparation ou une quelconque protection. Ce ne pouvait qu'être pire après :

« — Le sale petit rapporteur, on va lui faire payer cher !

 — Arrête...

 — J'ai pas des arrêtes, j'ai des os ! »

Aussi, je devins de plus en plus solitaire, de plus en plus renfermé. J'étais bien loin d'être un petit garçon turbulent, ce qui faisait dire à mon entourage :

« — Qu'est-ce qu'il est raisonnable pour son âge ! »

 

Tout le monde me connaissait sous le nom de Méjean. Je devais d'ailleurs être persuadé moi aussi, à cette époque-là, que je m'appelais ainsi. Ma mère avait eu la volonté affirmée de faire table rase du passé et j'étais vraiment devenu le fils de Jean Méjean. Rien n'était officialisé à l'état-civil, bien entendu, mais, à cette époque-là, on ne s'embarrassait pas de ces menus détails... Pour les instituteurs, pour le directeur de l'école, pour tout le monde, j'étais le petit Méjean...

 

Mais pourtant, quasiment à toutes les vacances scolaires, je retournais chez mes grand-parents Bonneton, mes grand-parents maternels, à Alès. Jean Méjean aimait bien les enfants, mais surtout quand ils dormaient, comme il disait souvent en plaisantant. Plaisanterie à part, la perspective de m'avoir dans les jambes pendant les vacances scolaires ne l'enchantait guère. Il préférait de beaucoup à ces moments-là avoir sa femme pour lui tout seul. Il sut vaincre ainsi les préventions de ma mère qui ne savait trop si elle devait voir d'un bon œil un rapprochement avec des parents qu'elle avait tant voulu fuir, mon retour à un monde dont elle aurait souhaité me couper à tout jamais. Pour ce faire, il passa allègrement sur le fait qu’il était cordialement détesté à Alès, qu'on le considérait comme un bon à rien, un fainéant, un jouisseur, indigne de leur fille... Pour lui, la fin justifiait les moyens et il se fichait sans doute éperdument de l'opinion de mes grand-parents.

 

Je retrouvais donc régulièrement le cadre de l'avenue Victor Hugo, bordée de grands platanes, le garage, l'appartement en face où j'avais vécu le début de ma vie... Je passais beaucoup de temps dans le garage à observer mon grand-père en train de démonter les moteurs, jouant même à l'apprenti en lui passant des outils et il paraît que je n'avais pas mon pareil pour dénicher la bonne clé, celle dont justement il allait avoir besoin. Le soir, il disait à ma grand-mère,plein de fierté :

« — Il n'y a pas besoin de lui expliquer deux fois, tu sais ! Il comprend vite, ton petit fils, souvent même plus vite que l'apprenti ! »

Car il travaillait toujours avec un apprenti qu'il gardait un an ou deux, le temps de lui apprendre le métier. Le plus curieux, c'est que malgré ces débuts prometteurs, une fois adulte, je n'ai jamais rien compris à un moteur, et il n'y a rien qui me déroute autant que la mécanique. Au début de ma carrière de conducteur, lorsque j'ouvrais le capot de mes premières voitures, je me trouvais aussi emprunté qu'une poule devant un parapluie ! Et cela n'a guère évolué depuis...

 

Je passais aussi beaucoup de temps dans la cour derrière le garage. Il y avait là une tonnelle avec une grande volière que mon grand-père avait construite et qu'il peuplait de perruches et de tourterelles. Il y avait aussi les lavages de voitures, auxquels je participais dans la mesure de mes moyens, patouillant dans une baignoire en tôle toujours pleine d'une eau grisâtre et savonneuse.

 

Je me souviens aussi des promenades avec ma grand-mère sur l’esplanade au dessus de la gare de chemin de fer,, où manœuvraient, encore à cette époque-là, quelques locomotives à vapeur. C'était là, sur cette vaste esplanade, qu'elle m'avait appris à faire du vélo sans roulettes ; je devenais une pièce maîtresse dans la vie de ma grand-mère : elle s'occupait énormément de moi et, pour elle, il était primordial que j'aie envie de revenir. Déjà s'installait entre ma mère et elle une rivalité dont j'étais le centre. Les rapports entre elles étaient toujours très tendus et quand elles étaient obligées de se voir pour que je passe de l'une à l'autre, les scènes et les disputes étaient très fréquentes : un peu comme un couple divorcé qui se déchire pour la garde des enfants. Quand mes grand-parents venaient me chercher à Vals * (Ai-je déjà parlé de Vals ? ) et qu'ils me ramenaient avec eux à Alès, c'était toujours dans une atmosphère lourde, presque dramatique. Invariablement ma mère pleurait à chaque départ, en regardant la petite 2CV démarrer, et moi, qui ne voulais pas être en reste, j'éclatais aussi en sanglots, éprouvant une terrible sensation d'arrachement. A cours du voyage dans la 2CV bringuebalante, mon moral remontait très vite. Ma grand-mère disait ensuite à ma mère, sur un ton de triomphe :

« — On n'avait pas fait dix kilomètres que c'était déjà fini ! On avait à peine dépassé Aubenas qu'il riait pour un oui ou pour un non ! Tu vois que t'es bien bête de faire une comédie pareille à chaque fois ! Il est bien avec nous ton fils, il se sent bien avec ses grand-parents, t'as pas besoin de te faire autant de bile ! »

Et elle faisait effectivement tout pour que je me sente bien. Elle me comblait de cadeaux et ne savait rien me refuser. Dès que je sus maîtriser l'écriture, elle me fit promettre de lui envoyer des lettres régulièrement en insistant bien sur le fait que chaque fois qu'elle répondrait à une de mes lettres, il y aurait un petit billet dedans. Mes écrits, à l'époque, me rapportaient plus qu'aujourd'hui...

 

Les premiers soirs, à Alès, dès que la nuit tombait, une infinie tristesse m'envahissait, une angoisse sourde cognait dans ma poitrine, me serrait le cœur, en repensant à ma mère qui pleurait sur le bord du trottoir au moment de mon départ... Même si elle m'y renvoyait à chaque période de vacances, je savais bien que ma mère était malheureuse que je sois là... Mon grand-père, pour me distraire, m'apprenait à jouer à des tas de jeux de société ou me projetait de petits films en huit millimètres : il faisait partie des pionniers du cinéma amateur. De temps en temps, il me filmait avec une petite caméra qu'on remontait manuellement comme un jouet mécanique. Je me revois encore considérant d'un air étonné ce petit garçon jaillissant du garage dans une voiture à pédale rouge, en un mouvement un peu saccadé, sur une image scintillante et tressautante qui illuminait l'écran tendu dans la salle à manger. Parfois l'écran s'animait, en noir et blanc, des aventures de Laurel et Hardy, de Popeye ou bien d’images en noir et blanc de chaloupes embarquées sur un mer déchaînée dans la chasse à la baleine...

 

Ma grand-mère, bien entendu, n'était pas en reste pour me distraire et elle me promettait qu'on irait en ville le lendemain acheter un livre. La librairie était dans le centre d'Alès et quand on y allait, elle disait qu'on allait en ville, alors que le boulevard Victor Hugo y était déjà, bien sûr, dans la ville... Ces sorties ayant pour destination la librairie étaient pour moi une véritable fête et je me réjouissais chaque fois d'aller choisir un nouveau livre ; c'était, à ce moment-là, des volumes cartonnés, à la couverture très rigide, de la bibliothèque rose ou verte. Ma série préférée était « Le club des cinq », avec le chien Dagobert. Souvent, quand on revenait, ma grand-mère me disait :

« — Elle te gâte, ta grand-mère, hein ? … Faudra pas le dire à Papy, c'est un secret entre nous, d'accord ? »

Je ne pouvais approuver, un peu gêné. Un jour, alors que l'après-midi était déjà bien avancé, je me mis à lui réclamer un nouveau livre car, sans doute, je venais de terminer le précédent. Elle me répondit qu'on irait le lendemain, promis, mais j’insistai lourdement comme seuls les gamins savent le faire, et, bien entendu, elle finit par céder. Elle n'avait malheureusement plus d'argent dans son porte-monnaie et elle devait le réapprovisionner... A cette époque-là, il n'y avait pas de distributeur d'argent en ville et il fallait puiser dans ses propres réserves qui se devaient, bien sûr, s'être dissimulées le mieux possible. Ma grand-mère avait choisi une boîte en fer, genre boîte à gâteaux secs ou boîte à sucre, qu'elle plaçait tout en haut du meuble de rangement mural de la cuisine. Pour l'atteindre, elle n'avait d'autre solution que de grimper sur un tabouret. Comme il était déjà tard et qu'elle avait peur que la librairie fermât ses portes le temps qu'on arrive, elle ne prit sans doute pas les précautions suffisantes pour assurer convenablement le tabouret et une fois juchée tout en haut de son perchoir, elle perdit l'équilibre et chuta lourdement sur le sol. Un hurlement de douleur suivit de près sa chute et un immense sentiment de culpabilité m'envahit aussitôt. Et qui ne fit que s'amplifier dans les heures qui suivirent, surtout quand j'appris qu'elle s’était cassé le poignet en tombant du tabouret... J'eus bientôt l'impression de porter l'entière responsabilité de cette fracture ; d'ailleurs, lorsqu'elle relatait l’événement ensuite, je ne me sentais pas le moins du monde disculpé, bien au contraire :

« — Il voulait à tout prix qu'on y aille ce soir-là, il a été crampon jusqu'à ce que je finisse par céder, ça pouvait pas attendre au lendemain ! Le problème, c'est que je finis toujours par céder à tous ses caprices ! Je sais bien que j'aurais dû être plus ferme, lui dire qu'il était trop tard, que les magasins allaient fermer et qu'il était hors de question d'y aller tout de suite, mais qu'est-ce que vous voulez ? Moi, pour ce petit, je marcherais sur la tête ! »

 

Quelque part, j'acquis la conviction que chaque fois qu'elle me faisait plaisir, c’était mal... Surtout que la plupart du temps, il ne fallait surtout pas en parler à mon grand-père, et aussi à ma mère qui ne loupait jamais une occasion de dire lorsque j'étais de retour dans l'Ardèche :

« — Ce gosse, il est trop gâté par sa grand-mère ! »

Je me sentais dans la position de celui qui profite d'une situation qu'il serait censé condamner, qui tire des avantages de machinations douteuses et peu avouables, et qui devrait au contraire en avoir honte et auquel s'adresse en priorité le proverbe : Bien mal acquis ne profite jamais...

 

Lorsque les vacances étaient terminées, que je retournais à Vals Les Bains, j'avais sans doute le sentiment qu'il allait me falloir reconquérir l'amour de ma mère, qu'il me faudrait effacer cette image de profiteur pour regagner sa confiance. Elle m'en voulait à coup sûr des multiples faveurs dont j'avais fait l'objet, elle était jalouse des attentions que me portaient ma grand-mère alors qu'elle-même s'était toujours sentie mal aimée. A cette époque-là, je ne pouvais pas le comprendre de cette façon, mais je me sentais tout bonnement pris entre deux feux. Et pourtant, je n'avais rien demandé : ce n'étais pas moi qui voulais aller à Alès pendant les vacances ; je ne choisissais pas, ni le lieu de mes vacances, ni la place que j'avais dans leur cœur, ni celle qu'elles avaient dans le mien...

27 juin 2016

Montfort l'Amaury

Si les cafés philo et les cafés poésie/chanson se tiennent à Montfort l'Amaury, ce n'est pas un hasard, c'est parce que c'est une petite ville que j'adore, tant s'y balader est un plaisir esthétique permanent et tant elle est le témoignage d'une histoire riche et dense... En lisière de la forêt de Rambouillet, elle s'étend au pied des ruines de son château fort, du onzième siècle, le château d'Anne de Bretagne, Comtesse de Montfort... On peut y visiter la demeure de Maurice Ravel, l'église Saint-Pierre, et se balader dans ses petites rues qui conservent tant de souvenirs... Ici, outre Ravel, ont habité le poète José Maria de Heredia, le cinéaste Henri Georges Clouzot, le dramaturge Jean Anouilh, parmi les plus célèbres et tant d'autres artistes et écrivains... Victor Hugo, en 1825, a consacré un long poème aux ruines du château fort et dont voici la première strophe :

 

« Je vous aime, Ô débris ! Et surtout quand l'automne

Prolonge en vos échos sa plainte monotone,

Sous vos abris croulants je voudrais habiter,

Vieilles tours, que le temps l'une vers l'autre incline,

Et qui semblez de loin sur la haute colline

Deux noirs géants prêts à lutter. »

 

Voici quelques photos pour vous y balader avec moi...

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Les deux tours qui dominent la ville, vestiges du château fort de Anne de Bretagne...

 

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L'église Saint-Pierre et Montfort vus de la colline où se dressent les tours...

 

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L'une des deux tours...

 

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Au dessus de cette porte, on peut lire l'inscription : établissement fondé par Amaury V en 1239...

 

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L'entrée principale de l'église Saint-Pierre qui donne sur la grande place pavée, la place de la Libération...

 

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L'une des nombreuses très vieilles façades qu'on peut admirer un peu partout...

 

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La ruelle des Poulies qui constitue une merveilleuse promenade et qui se continue au pied des remparts...

 

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La ruelle des poulies au pied des remparts...

 

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Une tour dans les remparts...

 

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Une autre très vieille façade au bois sculpté...

 

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L'une des nombreuses beles portes que l'on peut admirer ici ou là...

 

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La place Robert Brault avec le Café de La Poste au fond...

 

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Toujours sur cette place Robert Brault, le passage "Chez Coville"...

 

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La maison de Maurice Ravel, vue de son jardin... La visiter vaut vraiment le coup...

 

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La Duchesse Anne, Reine de France et Comtesse de Montfort...

 

Anne de Bretagne

21 juin 2016

Café poésie/chanson

Le premier café poésie/chanson, c'est à Montfort l'Amaury, le mardi 28 juin 2016, à 20h00, au Café De La Poste...

On peut y dîner (très peu cher), y picorer (planches de charcuterie), ou juste y boire un verre, du vin, une bière ou un jus d’orange ou tout ce que vous voulez d’autre... Et chacun vient avec un poème de lui, un poème d’un autre qu’il aime bien  et qu’il a envie de dire aux autres, ou bien une chanson, ou tout simplement, il vient juste en spectateur… Il n’y a aucune obligation ! Juste d’être ensemble et de partager.

 

Je vous attends nombreux et créatifs !

Affiche 28-06-3

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19 juin 2016

Bourdieu pour Olivier Adam

Bourdieu

Cet article du romancier Olivier Adam est vraiment formidable et il traite de problèmes de fond concernant la littérature. La littérature française publiée aujourd'hui est essentiellement une littérature de la haute bourgeoisie et des classes dominantes...

 

Pourquoi les romanciers français devraient lire Bourdieu

Pierre Bourdieu est mort il y a dix ans. Et à la manière qu'on a eue en France d'enfouir sa pensée, d'en relativiser la portée (ce qui dit assez bien son caractère encombrant, sa lucidité si brûlante qu'on préfère la soustraire à la vue) ou de ne pas véritablement s'en saisir (et à ce jeu, politiques et écrivains ont été aussi experts les uns que les autres), je me dis parfois qu'il est mort de nombreuses fois depuis.

http://bibliobs.nouvelobs.com



3 juin 2016

Vrai ou faux départ ?

Je publie ici l'ébauche du premier chapitre de mon prochain roman, qui s'appellera... Ben, en fait, j'en sais rien encore... J'espère seulement qu'il n'avortera pas avant d'arriver à son terme comme tant d'autres avant lui... S'il arrive au bout, ce sera le cinquième. Bon, d'accord, j'ai pas la productivité d'une Amélie Nothomb, je vous le concède...

 

 

 

 

 

 

    Je suis né le dix avril mille neuf cent cinquante huit. Signe : bélier.

    Accouchement difficile, j'ai déjà beaucoup fait souffrir ma mère. Il paraît que j'avais la jaunisse quand je suis né, que j'étais le bébé le plus laid, le plus repoussant de toute la maison de santé d'Alès. Je ne me suis pas vu dans une glace à ce moment-là, mais ma mère me l'a si souvent répété ! Elle ne devait manifestement pas s'attendre à ça. Elle se rattrapait ensuite en précisant que je n'étais pas resté laid très longtemps, que j'étais même devenu un beau bébé par la suite, mais bon...

    Ce qui s'est passé ensuite, la sortie de la maison de santé, mes premiers mois de vie, on ne m'en a pas raconté grand-chose. Mon père, Claude, était au service militaire à ce moment-là, à Vannes, en Bretagne, et moi, je vivais dans le petit appartement d'Alès, en face du garage avec mes grand-parents et ma mère, Annie, enfin, officiellement Anne-Marie, mais tout le monde l'appelait Annie. Mon grand-père, Henri, était garagiste, et il n'avait qu'à traverser la rue pour se retrouver sur son lieu de travail. Son garage, une façade claire, où se détachaient en grosses lettres vertes :

 

GARAGE VICTOR HUGO

H.BONNETON

MECANIQUE ELECTRICITE

 

    C'était le garage Victor Hugo, tout simplement parce qu'il se trouvait sur le boulevard Victor Hugo, au numéro dix-huit, à deux pas de la gare, une avenue bordée de platanes. Le logement, en face, il était au vingt et un. Je me souviens qu'enfant, je traçais avec application, à l'encre bleue, sur une enveloppe blanche, immaculée, l'adresse sue par cœur, Mr et Mme Bonneton, 21, boulevard Victor Hugo, Alès (Gard), chaque fois que je leur écrivais, ce qui était assez fréquent et ce qui faisait partie, à l'époque, des devoirs des petits enfants envers leurs grand-parents. Je commençais presque invariablement mes lettres par : chers papy et mamie, excusez-moi de ne pas vous avoir écrit plus tôt mais j'ai été malade, ou j'ai eu beaucoup de devoirs à l'école ou je n'ai pas eu le temps, pour mille autres raisons que je m'efforçais, chaque fois, de rendre les plus légitimes et les plus incontestables possible... C'était, je me souviens, l'un des motifs les plus fréquents de mes bouffées de culpabilité récurrentes: oh, il y a longtemps que je n'ai pas écrit à mes grand-parents...

 

    L'appartement était tout petit, au premier ou au second, tout en enfilade. On rentrait par la cuisine, ensuite il y avait une salle à manger avec un gros lustre à boules de cuivre étincelantes, puis une pièce où se trouvait le piano, c'était la chambre de ma mère, et enfin la chambre de mes grand-parents, sombre, avec un gros édredon sur le lit et un crucifix au dessus de la tête du lit... Ma grand-mère, elle s'appelait Églantine et elle détestait son prénom...

 

    De temps en temps, on devait faire des sorties hors de la ville, pour s'aérer un peu, pour respirer le bon air de la campagne comme disait ma grand-mère , parce qu'à Alès, on ne respirait pas... Lors de l'une de ces sorties où mon grand-père en avait profité pour aller à la pêche, une vipère était passée tout près de mon couffin posé sur l'herbe. Je l'avais échappé belle ce jour-là ! Comme le racontait souvent mon grand-père, avec son sens de la dramatisation... Heureusement, il nous avait rejoint pour le pique-nique, posant sa canne à pêche, et avait aperçu la bête malfaisante tout à côté du couffin. Il l'avait chassée avec un bâton et ainsi, d'après lui, ma vie fut sauvée par ce geste éminemment courageux. Bref, grâce à la vigilance de l'homme de la famille, la vipère n'eut pas le loisir de cracher son venin sur le pauvre bébé sans défense et mon existence put se poursuivre sans que l'on me racontât ensuite rien de notable.

 

    Jusqu'à ce voyage à Vannes, où nous étions allés voir mon père, toujours sous les drapeaux. Nous avions fait le trajet d'Alès à Vannes en deux chevaux et j'imagine bien les récriminations de ma mère et de ma grand-mère à propos d'un voyage aussi épuisant. Il faut dire que ça devait tenir de l'expédition, avec les routes cahotantes de l'époque, dans une deux chevaux bringuebalante des années cinquante... On ne me raconta pourtant rien de cette épopée, de cette traversée de la France, du sud est au nord ouest du pays. Par contre, ce que ma mère me raconta souvent, c'est à quel point je sus me montrer odieux au mess des officiers. Très tôt antimilitariste, je profitai de cette ambiance militaire pour hurler sans discontinuer. Mon père, paraît-il était horriblement gêné par les braillements de ce petit bout de chou de quatre mois dans l'ambiance feutrée et distingué du restaurant réservé aux officiers. C'était en août mille neuf cent cinquante huit.

 

    Ma mère avait rêvé de devenir pianiste... Elle était second prix du conservatoire de Nîmes et avait beaucoup travaillé pour obtenir ce prix. En ce mois de septembre 1958, croyait-elle encore à une hypothétique carrière de concertiste ? Était-ce vraiment sa mère qui l'avait poussée à caresser ces ambitions, comme elle se plaisait à le dire, ou bien était-ce elle-même qui avait été attirée par le prestige de ce métier artistique ? D'ailleurs, avait-elle vraiment essayé de percer avant de capituler et de rentrer dans l'éducation nationale ? Je ne sais rien, au fond, de ses tentatives, si tant est qu'il y en ait eu vraiment... Elle me disait tout le temps que c'était trop difficile de percer dans les milieux artistiques, qu'il fallait trop d'abnégation, qu'il fallait travailler cinq heures par jour son piano si l'on voulait devenir concertiste, que c'était un véritable esclavage et qu'il n'existait plus, dès lors, ni dimanche ni vacances... Avait-elle réellement essayé ou s'était-elle dit très vite : ce n'est pas pour moi, moi je veux profiter de dimanches et de vacances, je ne veux pas aliéner ma vie à un instrument... Au fond, ce qui m'apparaît clairement en écrivant ces lignes, c'est qu’il lui manquait une dimension importante : celle de la passion. Quand on est passionné, la notion de dimanche, de jour férié ou de vacances n'a plus d'importance. Une seule chose compte : assouvir sa passion. Et, pour réussir dans le domaine artistique, il faut être passionné. On ne peut pas devenir concertiste comme on devient fonctionnaire. Si j'avais compris tout cela avant, sans doute serais-je passé plus facilement outre ses recommandations : surtout, ne te lance pas dans une carrière artistique !

 

    Mon père venait de sortir de l'armée, démobilisé avant le temps légal ou ayant terminé son temps de service, ça, je ne sais pas, fin août ou début septembre probablement. Il avait trouvé une place dans les mines de Brignoles. Au décès de ma mère, ma sœur Nathalie a retrouvé dans les papiers qu'elle avait soigneusement conservés tout au long de son existence, un certificat de travail qui est estampillé :

 

Recherches et exploitations minières

38, rue de la République, Brignoles (Var)

 Nous, soussignés, certifions avoir occupé dans nos exploitations de bauxite le nommé BIANCHI Claude, Marius, né le 21 février 1932 à Fuveau du 20 octobre 1958 à la date de son décès, le 16 novembre 1958, en qualité de porion de première classe.

 

Brignoles, le 11 février 1959

 (Il y a un tampon service des mines de bauxite, l'ingénieur en chef, et c'est signé par le sus-nommé...)

 

    Avant de découvrir ce certificat de travail, je n'avais jamais réalisé qu'il avait si peu travaillé, le pauvre... Moins d'un mois ! C'est bien peu, pour se dire qu'on ne sera jamais à la hauteur... C'était son tout premier poste, je pense, après ses études à l'école des mines d'Alès, d'où il était sorti avec son diplôme d'ingénieur. Dès la fin de ses études, il avait été appelé sous les drapeaux pour son service militaire, et à l'époque, le service militaire, c'était dix-huit mois ou deux ans, surtout qu'il l'avait effectué en tant qu'officier.

 

    Autre chose que je n'avais jamais réalisée, c'était qu'ils s'étaient mariés si tôt : le livret de famille retrouvé dans les papiers de ma mère indique que leur mariage avait eu lieu le cinq juillet mille neuf cent cinquante six... Quand je pense que je me suis marié avec Anne le deux juillet deux mille onze... C'était presque cinquante cinq ans après, jour pour jour... Une drôle de coïncidence tout de même... En tout cas, ils s'étaient mariés quasiment deux ans avant ma naissance, probablement juste à la sortie de l'école des mines. S'ils n'avaient jamais vécu ensemble, c'était à cause du service militaire. Tout cela me semble plus clair aujourd'hui, car je n'avais jamais compris pourquoi ils avaient continué à vivre chacun de leur côté chez leurs parents respectifs pendant aussi longtemps, ma mère à Alès, et mon père à Fuveau. Justement, avec ce premier travail, mon père allait réellement pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Il s'était mis à la recherche d'un logement : enfin, la vraie vie allait commencer...

 

    Oui, sauf que depuis qu'il était sorti de l'armée, mon père n'était plus lui-même. Il avait perdu sa joie de vivre. Que s'était-il passé à l'armée ? Ma mère m'avait rapporté que des hommes qui étaient sous ses ordres avaient malencontreusement joué avec une grenade d'exercice et qu'ils se l'étaient faite sauter à la gueule. L'un d'entre eux avait même perdu la vue. Mon père avait développé une immense culpabilité suite à cet accident, survenu probablement bien après ma naissance, car les lettres que j'ai retrouvées qui ont été écrites autour de cette période n'en font absolument pas mention. Ma mère avait intenté un procès à l'armée, dans le but d'imputer au service militaire la cause du décès de mon père et, du coup, d'obtenir une pension. Mais, bien entendu, elle avait perdu son procès (il n'est pas facile de gagner contre l'Armée française, surtout en 1968, et je viens de retrouver quelques pièces afférentes à ce dossier... Ces pièces, je les ai retrouvées dans une enveloppe d'un brun clair, adressée à Madame Anne-Marie Méjean, Appartement 113, 3, rue de Montpellier, 91 MASSY, affranchie de deux timbres à l'effigie de Marianne, de quarante centimes chacun, le cachet d'oblitération faisant mention d'un envoi effectué à Nîmes, la préfecture du Gard, le vingt-cinq février 1969. Je me rappelle bien de cette courte période passée dans ce Grand Ensemble de Massy, comme on appelait ce quartier à l'époque, récent et déjà gangrené, pourri, ce grand ensemble de hauts immeubles puants, qu'on n'appelait pas encore cité, qu'on n'appelait pas encore la zone et qui était peuplé de ceux qu'on n'appelait pas encore la racaille... En septembre 1968, le choc avait été rude, me retrouvant brusquement parachuté là, après mes dix premières années de vie dans mes Cévennes natales, où je n'avais jamais vu d'immeuble aussi haut, de cages à poules aussi immenses et tellement hors de proportion avec la dimension humaine. L'une des images les plus tenaces qui me reste de cet immeuble où l'on a habité pendant une année environ à notre arrivée dans la région parisienne, c'était l'ascenseur puant la pisse et, aussi, les boîtes aux lettres arrachées dans le hall. On ne parlait pas encore des banlieues, on n'était qu'en 1968 et pourtant, et pourtant...Les différentes feuilles jaunies et dactylographiées que j'ai tirées de cette enveloppe m'ont appris les choses suivantes :

    En fait, l'accident n'a pas eu lieu très longtemps après ma naissance, juste un mois et dix jours après. Il est survenu très exactement le vingt mai 1958, aux alentours de 17h00, et j'en connais maintenant le déroulement précis...

 

« Accident survenu le 20 mai 1958, au quartier Foch, 10° régiment d'artilleurs, Vannes

 Les aspirants et lieutenants Thomas, Pilpoul, Lévy et Fagot sont réunis dans un bureau sommairement meublé : des sièges, une table et une armoire vitrée dans laquelle sont rangées les grenades, cartouches et munitions diverses qui sont, en principe, inertes et destinées à l'instruction.

Aux alentours de 17h00, l'aspirant Thomas ouvre la vitrine, saisit une grenade antichar, la lance à Pilpoul qui se trouve à 1,50m ou 2m de lui. Contre toute attente, la grenade explose. Pilpoul est très grièvement atteint (ses blessures font qu'il y perdra la vue), Fagot est très grièvement blessé lui aussi, mais à la jambe ; Thomas est très choqué mais pas blessé et Lévy est indemne. Le bureau est totalement ravagé par l'explosion. Le sous-lieutenant Bianchi n'était pas dans la pièce au moment des faits. »

     Dans une autre pièce du dossier, le Capitaine Bronnec, qui, à l'époque, était le commandant de cette section, témoigne, dix ans après les faits :

 « Pithiviers, le 6/12/1968,

Je me souviens naturellement de l'explosion de la grenade « strim », ou grenade à fusil, dans le bureau des sous-lieutenants. Ce bureau, longtemps inoccupé, leur avait été affecté. Certains détails m'échappent après dix ans. Je suis entré le premier après l'explosion. C'était un véritable carnage. Avec d'autres personnes arrivant après moi, j'ai fait installer le lieutenant Pilpoul sur la porte qui avait été arrachée et qui a servi de civière. Fagot s'est traîné dans le bureau voisin, atteint à la jambe. Lévy essayait d'ouvrir une fenêtre qui n'existait plus. Thomas a dû sortir par ses propres moyens en même temps qu'on évacuait Pilpoul . Le sous-lieutenant Bianchi ne se trouvait pas dans cette pièce. Autant que je puisse m'en souvenir, j'avais à l'époque huit sections à m'occuper et Bianchi devait être à l’instruction avec la sienne. Je me souviens de lui comme d'un officier très consciencieux, valable également sur le plan technique mais perpétuellement inquiet. Il se faisait rapidement un monde du plus petit problème. Durant l'été 1958, j'avais une partie de mon personnel à Vannes et une autre partie à Penthièvre. Je me trouvais de préférence à Penthièvre mais je revenais de temps en temps passer une journée ou une nuit à Vannes. Au cours de l'une de ces nuits, j'avais passé le commandement du fort à Bianchi. Or, durant cette nuit, au CMC du fort, avait eu lieu un accident qui avait fait plusieurs blessés très légers. Dès que j'en avais été averti, j'avais rejoint le fort avec le commandant Perrault. Nous avions trouvé Bianchi très marqué part l'accident, très inquiet, à tel point que je l'avais envoyé se reposer aussitôt.

L'annonce de son suicide, quelques mois plus tard, m'a surpris certes, mais, tout compte fait, s'expliquait par la nature inquiète de l'intéressé. Bianchi passait pour un très bon camarade et devait être lié avec Pilpoul et Fagot... »

 

Dans une autre pièce du dossier, témoigne le Colonel Michel LEON-DUFOUR, depuis les Landes, le 13 décembre 1967

« Je me souviens parfaitement de l'accident dû à un éclatement de grenade anti-char pendant une instruction en salle et au cours de laquelle l'aspirant Pilpoul a malheureusement perdu la vue en mai 1958. Mais, à cette époque-là, j'étais à Biscarosse, aux Écoles à Feux, avec une partie du régiment et la portion restée sur place à Vannes était commandé par mon adjoint le Lieutenant Colonel Richard, actuellement en retraite à Brest. Je ne puis donc vous donner aucune précision au sujet de cet accident n'ayant rejoint Vannes que quelques jours après, à la fin des Écoles à Feux.

Par contre, en juin, j'ai accompagné près de 300 hommes du régiment à une pèlerinage à Lourdes, et j'ai eu l'occasion de prendre plusieurs contacts avec l'aspirant Bianchi qui commandait ce détachement. Je n'ai rien remarqué d'anormal dans son comportement. Cependant, étant donné le fossé profond créé par le respect autant que par la timidité, qui existe entre un aspirant et son colonel commandant le régiment, cette remarque ne prouve rien, si ce n'est qu'elle a marqué dans mon esprit l'étonnement profond et douloureux que m'a causé l'annonce du décès de ce jeune homme que j'estimais particulièrement.

C'est à ce moment seulement que j'ai découvert que certains officiers paraissaient être au courant de difficultés psychologiques qui se seraient révélées dans son comportement pendant son service au régiment. Mais j'ignore à partir de quelle époque et quelles en auraient été les raisons. Il se peut que l'accident arrivé à l'aspirant Pilpoul ait été déterminant mais, en ce qui me concerne, je ne puis rien affirmer. »

 

    En tout cas, au vu de tous ces témoignages, non seulement mon père n’était pas dans ce bureau au moment de l'explosion, mais, de plus, les hommes qui ont eu cet accident n'étaient pas sous ses ordres. Comment, dès lors, pourrait-il avoir développé une culpabilité par rapport à cet accident ? Ce qui me semble particulièrement intéressant, c'est le témoignage qui le décrit comme quelqu'un de très consciencieux mais aussi comme quelqu'un qui se faisait une montagne de tout, qui était perpétuellement inquiet. Cet état d'inquiétude permanente, et cette propension à faire des plus petites difficultés du quotidien des problèmes insurmontable, je la connais très bien, mais uniquement dans les périodes où je suis déprimé. Ce n'est pas un trait de caractère stable, ce n'est même pas un trait de caractère du tout, car mon état « normal » est caractérisé par une assez bonne aptitude à faire face aux multiples désagréments de la vie et d'y trouver des solutions. Au cours de la période où je suis resté quatorze mois dans les ténèbres, je pouvais effectivement être persuadé que mon caractère de base était exactement celui-là : une perpétuelle inquiétude et une étonnante tendance à se noyer dans un verre d'eau, doublée d'une inertie incroyable. Souvent, au cours de ma vie, j'ai pu me poser cette question : « Qui suis-je au fond réellement ? » « Et mon état dit « normal », c'est lequel ? » Pour mon père, c'est pareil : était-il comme cela tout le temps ou bien juste pendant son service militaire, parce que, pour une raison ou une autre, ou sans raison d'ailleurs (j'ai souvent pu vérifier qu'il n'y avait pas besoin de raison objective pour que mon état bascule...), il était dans une période de dépression, de tristesse, de manque de confiance en lui, de culpabilité... Tout cela va de pair... Et comble de malheur, et pour vraiment clore le cercle vicieux, j'ai toujours remarqué que durant les moments où j'étais bien dans ma tête, j'attirais le positif, les bonnes choses, la réussite. Au contraire, lorsque j'étais dans l'état inverse, doutant de moi et de tout le reste, je n'attirais que des mauvaises choses. Je devenais alors comme un aimant à malheur. Il y a toujours eu ainsi un effet de renforcement, ou positif ou négatif, qui rend les choses encore plus compliquées lorsqu'on se trouve en bas...

 

    Mon père fut probablement démobilisé début septembre puisque j'ai retrouvé dans les papiers le récépissé de la visite médicale de démobilisation passée fin août 1958. Visite qui ne signala rien d'anormal d'ailleurs. Toujours est-il que de retour dans son Fuveau natal, petit village provençal à proximité d'Aix en Provence, mon père était complètement déprimé. La parenthèse de l'armée était terminée, maintenant il allait falloir commencer la vraie vie d'adulte, exercer le métier pour lequel il avait fait ses études à l'école des mines d'Alès, métier qui ne l'attirait absolument pas, qui l'effrayait probablement, trouver un logement pour sa famille et quitter la sienne, de famille, ce qui n'était pas forcément évident. S'entendait-il bien avec ma mère ? Leurs rapports avaient été assez distendus, et la plupart du temps, lorsqu’ils se voyaient, c'était au domicile de leurs parents respectifs, ce qui, on le sait tous, n'est vraiment pas l'idéal pour un couple. Surtout dans le petit appartement d'Alès, en face du garage, qui n'était guère propice à l'intimité d'un jeune couple. Et à propos de cette intimité, ma mère, avec sa psychologie habituelle, m'avait souvent fait la confidence suivante :

« — Ton père, au lit, il était complètement nul. Il n'avait aucune expérience, il était gêné, il bâclait vite, une femme ne pouvait pas y trouver son compte... »

   Quand j'étais encore puceau, ces révélations me mettaient particulièrement mal à l'aise et me faisaient terriblement douter de moi. Quand viendrait mon tour de franchir enfin le pas, que je pourrais enfin honorer l'une de ces créatures pulpeuses qui enfiévraient mes nuits de caresses solitaires, fiévreuses et culpabilisantes, serai-je, moi, à la hauteur ? Apparemment, ce n'était pas à la portée du premier crétin venu. Il fallait du savoir faire, de l'expérience. J'étais persuadé que je serais nul à mon tour... Comme j'étais persuadé que j'étais faible, étant donné que ma mère me répétait tout le temps, comme un leitmotiv, que mon père était un faible, qu'il avait lâchement abandonné sa famille, qu'il manquait totalement de courage, qu'il avait préféré commettre ce geste terrible plutôt que d'affronter la vie... D'ailleurs, à qui me raccrocher ? Aux yeux de ma mère, tous les hommes de la famille étaient des faibles, des « pas-de-couilles » comme on dirait aujourd'hui. Car mon grand-père maternel, aussi, était souvent dépeint par ma mère comme un homme trop faible, qui s'était toujours laissé mener par le bout du nez par ma grand-mère. Elle me racontait même qu'il s'était fâché avec toute sa famille à cause de « Mamie ». C'était elle qui portait la culotte, qui avait toujours mené la barque... Mon grand-père, mon père... Comment pouvais-je espérer être autrement ? D'ailleurs, pour ne pas faire mentir la prédiction, bien entendu, je suis allé me marier très jeune avec une femme qui , de par son fort caractère et la constitution de sa personnalité, n'avait qu'un seul objectif, avoué ou inconscient, peu importe : mener la barque, porter la culotte, être l'homme du couple. Pendant des années, j'ai subi et accepté sa domination sans partage, comme un vassal qui a fait allégeance à son suzerain, et qui ne pense pas qu'il puisse en être autrement, que le monde tourne comme cela depuis des siècles et qu'il n'y a strictement aucune raison que ça change... D'ailleurs ma mère ne manquait jamais de remuer le couteau dans la plaie :

« — Mais enfin, Jean-Pierre, je ne te reconnais pas, arrête donc de te laisser influencer par Marie-Claude ! Tu vas pas faire comme Papy, qui disait toujours Amen à Mamie ! Mais tu fais exactement comme lui, tu te coupes de ta famille, pour ne pas déplaire à ta femme, ta femme qui ne nous a jamais aimé. »

    Je me défendais, tout en étant persuadé qu'elle avait raison et je rétorquais que les décisions venaient de moi, pas de Marie-Claude, notamment quand on avait décidé, un été, de ne pas passer la voir à Toulouse, ou dans sa maison de campagne, à Lacaune. J'ai fini par me brouiller avec elle, un peu plus tard, en insistant bien sur le fait que c'était moi qui me brouillait avec elle, et non pas Marie-Claude, comme si, par ce moyen, je retrouvais un peu de « couilles »... Je lui avais écrit une très longue lettre où j'avais essayé de bien montrer que c'était moi qui en avait assez des relations que j'avais avec elle, et non pas Marie-Claude. Mais peu importait, au fond, ce que je faisais pour tenter de sauver les apparences. Mon estime de moi était au plus bas, ma confiance en moi au point zéro, ma honte d'être moi en croissance exponentielle au fur et à mesure des montées en puissance des embrouilles familiales... Et j'étais père à mon tour, et d'une famille nombreuse par dessus le marché... Qu'allais-je faire de tout ça, comment allais-je pouvoir me débrouiller avec tout ça ? Surtout qu'à l'époque, j'étais persuadé que mon trait principal de caractère était, pour moi aussi, la faculté dramatique de me noyer dans un verre d'eau, d'être perpétuellement angoissé par l'avenir...

 

   D'après le certificat de travail, mon père commença à travailler à Brignolles, dans les mines de bauxite, le vingt octobre. Il devait être aussi sur le point de trouver un logement pour vivre enfin avec sa femme et son fils. Peut-être que cette perspective était anxiogène pour lui, sans doute même, comme il était déjà en situation de fragilité, en période dépressive, où le verre à moitié plein paraît toujours aux trois quarts vide. Je ne sais pas si ma mère, de son côté, attendait ça avec impatience... J'ai tendance à le croire car la cohabitation avec ses parents était de plus en plus difficile. Je me souviens d'ailleurs qu'elle m'avait dit qu'elle n'avait jamais pu me laisser pleurer la nuit, que Mamie l'obligeait toujours à me lever et à me consoler car Papy devait dormir pour aller travailler au garage le lendemain. Ce qui fait que j'étais devenu très capricieux et très exigeant, d'après elle. Puisque chaque fois que je commençais à grogner, on me prenait, on me consolait, je devais croire que tout m'était dû ! Pauvre bébé, j'en étais bien loin ! Si elle était pressé de quitter le 21,boulevard Victor Hugo, envisageait-elle pour autant l'avenir avec sérénité ? Le jour de son anniversaire arriva, c'était le neuf novembre : elle avait vingt-six ans...

 

    Malheureusement, quelques jours plus tard, le seize novembre, vers seize heures, mon père mit fin à ses jours. Il avait vingt-six ans aussi. Je ne l'avais pas beaucoup vu jusque là et je n'allais plus jamais le revoir. Je ne devais jamais connaître mon père mais il allait marquer ma vie au fer rouge. Ce dimanche de novembre, il se donna la mort à Fuveau, dans la maison de ses parents,dans le garage plus exactement, qui était séparé de la maison par une petite cour intérieure. Il s'était fait exploser la tête avec le fusil de chasse de son père. Avec une cartouche que son père avait fabriquée... Bien des années plus tard, en 2001, à la mort de mon grand-père, j'ai retrouvé dans la cave de la maison tout le matériel pour fabriquer les cartouches, des boîtes de petites billes de plomb de différents calibres, des mesurettes à poudre et d'autres accessoires dont je ne me souviens plus, à côté des pièges à petits oiseaux qu'on appâtait avec un insecte comme dans « La Gloire de mon Père »...

    Il paraît que c'était pas beau à voir, qu'il y avait de la cervelle partout sur les murs, sa pauvre cervelle qui l'avait conduit à la conclusion qu'il était incapable de continuer à vivre, qu'il n'était pas à la hauteur, qu'il en était indigne en quelque sorte. Il avait laissé une lettre, dactylographiée, que je reproduis ici :

 

« 4 h du matin.

Il ne me reste plus qu'une heure à vivre.

 Pourquoi ai-je fait cela ? Je suis incapable de comprendre mon métier ; dans ces conditions, il est inutile de vivre. L'idée me mine depuis un mois, le jour où j'ai réalisé que je ne pourrais rien faire. J'ai été pris d'une panique intérieure qui ne m'a plus lâché.

 J'ai fait semblant de vivre, mais mon esprit était ailleurs. Comme je ne vois pas de solution à ce problème, il vaut mieux en finir tout de suite.

Je ne trouve plus aucune distraction, ni le repos la nuit. Tous les fortifiants du monde ne peuvent rien.

 Il y a 30 000 Francs sur mon CCP.

Il y a 10 000 Francs dans la pochette de mon CCP.

 Déjà 4h25, il ne me reste plus guère.

Je ne peux pas parler de ma famille, ce sera un choc terrible. Je ne suis plus capable d’aucun effort, ni physique, ni intellectuel.

Je ne sais rien faire d'une manière générale.

 Dans 10 minutes, il faut que je me lève et je n'ai pas le courage. Il aurait fallu que j'écrive des pages entières pour essayer d'expliquer mon attitude. »

 

    S'est-il vraiment levé à cinq heures comme il l'avait prévu pour mettre un terme à ses souffrances ? En tout cas, il ne s'est pas suicidé à ce moment-là. Mais bien presque douze heures plus tard, vers seize heures... Comment a t-il pu vivre ces douze heures tragiques, entre le moment où il a commencé à taper cette lettre sur sa petite machine à écrire et le moment où il a appuyé sur la détente du fusil ?

 

    Un détail me tracasse depuis que ma sœur m'a remis cette lettre qu'elle avait trouvée dans les papiers de ma mère à son décès, lorsqu'elle avait fait le tri dans la maison de Conflans-Sainte -Honorine, avant qu'on la mette en vente. Je me souviens parfaitement de la lettre tapée à la machine que ma mère m'avait montrée lorsqu'elle m'avait avoué finalement, durant l'année de mes quatorze ans, que mon père s'était suicidé et non qu'il était mort d'un accident de moto, version qu'on m'avait toujours racontée jusque là, pour m'expliquer que l'homme qui s'occupait de moi n'était pas mon vrai père, que le vrai, il était mort, qu'il avait disparu de la surface de la terre quand j'avais six mois. Pourtant, ce jour de mes quatorze ans où ma mère m'a fait cette terrible révélation, je m'en souviens comme si c'était hier, et je me rappelle m’être dit que, en fait, je le savais depuis longtemps, que c'étaient des bobards qu'il était mort dans un accident de moto... Mais, je suis certain que la lettre qu'elle m'avait montrée, et que j'avais relue au moins dix fois, était plus courte que celle-là et qu'elle parlait de moi : oh, pas grand chose, mais elle mentionnait qu'il avait laissé de l'argent sur un livret de caisse d'épargne à mon nom. Là, il parle juste de son argent et de son CCP. Aucune mention de mon existence... Je ne comprends pas... La seule qui aurait pu m'aider à résoudre ce mystère, c'est ma mère, mais elle est morte en février 2011, il y a déjà cinq ans...

 

   Je ne sais rien de toutes ces heures qui se sont écoulées avant seize heures, au cours de cette fatidique journée du seize novembre 1958. En revanche, ce que je sais, car mon grand-père de Fuveau me l'a raconté, c'est qu'il était convenu qu'il devait accompagner son fils à Brignoles en fin d'après-midi avec sa 2CV car la moto de mon père qui lui servait pour aller au travail d'ordinaire était en panne ce jour-là. A seize heures, mon grand-père était devant la télé et il regardait un match de foot ou de rugby. Il s'était dit qu'il accompagnerait son fils à Brignolles dès que le match serait fini... Et puis la détonation l'a fait sursauter. Violente, foudroyante, assourdissante. C'était dans le garage de l'autre côté, de la petite cour. C'était un coup de feu. Inquiet, il se leva très vite de son fauteuil et courut vers le garage.

"— Mon Dieu, mais c'est pas vrai, c'est pas possible..."

    Ce que ressent un père quand il trouve son fils dans une mare de sang, la tête explosé, est probablement indescriptible.

— Non, ne rentre pas !  Ordonna-t-il à la grand-mère qui accourait à son tour.

— Mais que s'est-il passé ? Claude s'est blessé en touchant au fusil ?

— Notre fils vient de se tuer... C'est... C'est... Ce n'est pas un accident...

— Mais c'est pas possible ! C'est pas possible ! Et elle se mit à hurler. Mon fils, Claude, mon fils...

 

Bien des années plus tard, j'ai reconstitué le puzzle des événements en recueillant les témoignages de mon grand-père paternel, de mes cousines, de ma tante, avant qu'elle ne se suicide à son tour... Et du côté d'Alès... Ma grand-mère maternelle, Églantine Bonneton, m'a raconté :

" Ton grand-père était allé au ballon ce dimanche-là (elle voulait dire par là qu'il était allé voir un match de foot au stade d'Alès) et, à un moment, on a frappé à la porte ; j'ai ouvert et j'ai été surprise de voir que c'était le gérant du Riche Hôtel, tout proche... A l'époque, on n'avait pas le téléphone dans l'appartement. On l'avait juste au garage. Il venait nous prévenir qu'on l'avait appelé de Fuveau et qu'il devait transmettre le message qu'il s'était produit à Fuveau un grave accident. Alors, je suis allée au stade chercher ton grand-père et, le plus vite possible, on s'est mis en route, avec ta mère et toi, dans la 2CV de papy... Avant de partir, Papy était allé au Riche Hôtel, pour tenter d'en savoir un peu plus. Il avait juste appris que ton père, Claude, était mort... Il a dû se passer quatre heures entre le coup de fil et notre arrivée à Fuveau, alors qu'il faisait déjà nuit depuis un bon moment...

 

     Ma mère disait que ce qui l'avait le plus choqué quand elle était arrivée à Fuveau, c'était que toute trace du drame avait disparu. Que tout avait été nettoyé. Immédiatement, tout avait été nettoyé. Mon grand-père, aidé de Maurice, son beau frère, avait tout ramassé, tout essuyé, tout lavé. Ma mère trouvait ça louche. Ils avaient fait place nette, comme si rien ne s'était passé... Et cela même avant l'arrivée des gendarmes... Ma mère, qui était toujours allé vite en besogne, pensait que ça accusait mon grand-père. Elle le soupçonnait d'avoir lui-même tué son fils... Mais Grand Dieu, pourquoi aurait-il tué son fils ? Et c'est lui qui serait allé dactylographier la lettre disant que Claude n'en pouvait plus, qu'il n'était pas à la hauteur ? Cela m'a toujours paru invraisemblable. Mais ma mère n'en a jamais démordu... Point n’est besoin de préciser que, dès lors, ses relations avec sa belle famille furent des plus délicates...

 

     Ma mère se retrouvait veuve à vingt-six ans avec un gosse sur les bras. Les mois qui ont suivi le suicide de mon père ont dû être horribles, dans ce petit appartement d'Alès, où l'on vivait les uns sur les autres, marqués par des disputes incessantes, du chagrin, de la douleur, des larmes et de cris. Je pleurais toutes les nuits et ça n'aidait certainement pas à apaiser les tensions.

 

     Ma mère avait trouvé un poste de professeur de musique auxiliaire au lycée d'Alès et elle avait aussi grand besoin que je fasse mes nuits calmement.. J'étais devenu le fruit d'une union maudite et, d'emblée, ce mari qu'elle n'avait quasiment pas connu, elle s’était pris à le détester. Sans moi, elle aurait pu croire qu'elle se réveillait d'un cauchemar, que tout cela n'avait jamais réellement existé, qu'elle pouvait tourner la page et repartir à zéro... Mais j'étais là, bien vivant, trop vivant même, plutôt embarrassant, et peut-être qu'au plus secret d'elle même, dans les tourments et les noirceurs si caractéristiques de l'âme humaine, elle a songé à me faire disparaître à mon tour. Voilà ce qu'il lui avait laissé en quittant l'existence, ce mari qui n'était au fond pas un homme, ce mari qui n'avait pas de couilles, ce lâche qui n'avait pas su affronter la vie: un véritable boulet à la cheville, un boulet qui l'empêcherait probablement de trouver un autre homme qui voudrait bien d'elle. Elle se retrouvait dans la situation d'une fille mère. Le temps des bals, des belles robes, de l'insouciance, de l’espérance d'un avenir radieux était bien révolu. Il ne reviendrait jamais plus. Maintenant il fallait calmer et langer cette petite chose qui hurlait à tout bout de champ. Elle a dû en vouloir à la terre entière à ce moment-là. J'étais là pour lui rappeler à chaque minute qu'elle avait irrémédiablement gâché sa vie, j'étais la continuité du désespoir, celui qui empêche d'oublier.

 

     Je me souviens lui avoir dit un jour :

« — J'ai dû vivre à ce moment-là au milieu des pleurs, au milieu de drame... 

  — Mais non, m'avait-elle répondu, c'est ta grand-mère qui s'occupait de toi, et tu ne t'es rendu compte de rien...

  — Mais, avais-je repris, et toi ? Toi, tu devais être très triste non ?

  — Oh, moi, je travaillais, moi, je ne m'occupais pas de toi... »

 

    Je crois que c'est à la façon dont elle m'avait dit, ce jour-là, « je ne m'occupais pas de toi », que je compris à quel point elle avait reporté sur moi la haine de ce mari qui lui avait fait prendre dans la vie un si lamentable faux départ...

19 mai 2016

Escapade, quatrième volet

Et voilà : le projet Escapade est reparti ! Depuis le mois d'Avril... Et bien reparti ! Cette fois, c'est à La Queue Lez Yvelines, pour le spectacle "Chroniques d'un village" qui aura lieu le 18 juin prochain. Comme à Jouars-Pontchartrain, la compagnie Les Fugaces invite les habitants à participer à la création d'un évènement collectif.

Les Fugaces - La mutation de la Compagnie Les Fugaces

En ce début d'année 2016, et après 8 ans d'une belle aventure remplie de découvertes, de tentatives, et de rencontres, la Compagnie Les Fugaces vous annonce sa mutation. Deux univers artistiques distincts sont nés de cette " fugace " aventure: Julie Métairie poursuit son projet International et ses activités de création en son nom propre.

http://www.fugaces.com

 

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La Queue-Lez-Yvelines -

Résidence Estivale (2016) - Une exploration racontée D'avril à Juin 2016 Pour toute questions ou renseignements, n'hésitez pas à nous contacter : La compagnie les Fugaces : 0134843594 ou sur projet.escapades@gmail.com L'événement : " Circuit Extime", le samedi 18 juin 2016 dans le cadre de la Fête du Village A La Queue-Lez-Yvelines ...

http://projet-escapades.fr

 

Pour cette quatrième étape, le spectacle du 18 juin racontera le village de La Queue lez Yvelines en s'appuyant sur le regard et sur les souvenirs de ses habitants...

Le jeudi de l'Ascension, il y a déjà eu une grande journée de répétition pour les comédiens et une visite des lieux du spectacle dans Le village de La Queue, avec, comme chaque fois, un grand pique-nique collectif. Et ce jour-là, c'était une vraie journée d'été... Et puis, dès le lendemain, les ateliers de construction des décors et accessoires, la confection des costumes, ont démarré...

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En ce qui concerne les ateliers de construction, j'ai pu participer à la journée du 14 mai, beaucoup moins belle celle-là, grise et très froide, au point que le traditionnel pique-nique a dû se dérouler à l'intérieur du garage communal, porte fermée pour se protéger du vent glacial... Le repas pourtant n'en fut pas moins chaleureux ! Et de nouvelles rencontres à la clé, des gens sympas qui ont envie de construire quelque chose en commun...

 

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Vicky devient une habituée d'Escapade ! Elle a même tenu un rôle dans un roman photo que les élèves du lycée de La Queue ont imaginé et interprété... Il y a une anecdote assez drôle à ce sujet d'ailleurs : début avril, j'étais allé voir un habitant de Jouars pour visiter un terrain et sa fille, agée de dix ans environ, s'est exclamée en voyant Vicky : "Maman, regarde, c'est le chien de guet-Apens !"

 

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Ce jour-là, on a peint beaucoup de paires de chaussures. J'avoue que c'est une activité que je faisais pour la première fois de ma vie. Cirer, peut-être, et encore pas souvent, mais peindre des chaussures, ça jamais !

 

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Il y avait aussi des brodeuses...

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Et puis des fabicants de fruits et légumes géants, comme Mila ci-dessous, qui peint et fixe les queues des radis...

 

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L'après-midi, avec Xavier, j'ai tordu dans tous les sens des mètres de fil de fer pour fabriquer des structures de feuilles végétales géantes qui allaient être ensuite papiétées de papier journal enduit de colle à papier peint par une autre équipe, dont Adèle faisait partie :

 

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Tandis que Valérie était aux prises avec un concombre qui a dû profiter de conditions climatiques exceptionnelles...

 

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9 mai 2016

Filets au soleil

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Les eaux parlent à l'oreille du ciel,

Et les bateaux dérivent sur le miel,

De ta bouche desséchée par le vent,

Figée de par la poussière du temps...

 

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Sur le pont rouillé,  des sacs entassés,

Partout d'étoiles de mer parsemés,

Les cordages maculés de cambouis

Impriment tes mains nues et tu souris...

 

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Ton regard s'attarde sur les filets,

Tels des tombées de soie dans un palais,

Jusqu'au plus profond des plis de ton cœur,

En oubliant toute trace de peur...

 

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26 avril 2016

La cabane verte

  La cabane verte, c'est la cabane de Blandine Mornon, au chenal de la Baudissière, sur la route des huîtres, sur la côte est de l'île d'Oléron, au sud de Boyardville...

La route des huîtres passe par le port ostréicole de la Baudissière

Les musées vous ennuient, vous trouvez les galeries et expositions pompeuses? Vous avez envie de découvrir un site authentique naturel, comprendre la passion qui anime les ostréiculteurs du bassin de Marennes Oléron tout en suivant un parcours artistique original ? La route des huîtres et le pittoresque port ostréicole de la Baudissière sauront vous ravir!

http://www.oleron-plage.fr


  C'est une cabane où l'on a envie de rester et de discuter avec la maîtresse des lieux, un endroit où il souffle un vent de création très fort, très puissant, qui fait que l'on a envie de prendre le pinceau à sa suite, et colorier les bois de flottage qui s'entassent nombreux sous les plans de travail, les étagères d'expo, les galets de toutes formes, si ronds, si lisses qu'ils invitent au voyage... Blandine est une authentique artiste, mais qui  ne se prend pas trop au sérieux. Les panneaux informatifs à l'entrée de la cabane et à l'intérieur, en témoignent largement. Ici, tout est dans son jus, sans sophistication, sans prétention mais avec beaucoup de vérité et de force. Ce qui compte le plus ici, c'est ce qui est, ce qui existe, pas ce qu'on montre, pas ce qu'on expose, ce qu'on met en scène avec plus ou moins d'artifices... Elle est à l'image de ce chenal de la Baudissière, où tout semble en désordre, où les tas d'accessoires rouillés qui ont servi à l'élevage des huîtres ajoutent au pittoresque. Ici, c'est le désordre de la vie qui règne en maître, désordre qui est, en fait, un ordre bien supérieur aux mises en scènes spécialement réalisées pour les touristes, qui sont juste le témoignage d'un monde disparu et qui ne palpitent plus du souffle du vivant...

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23 avril 2016

La Cotinière sur l'île d'Oléron

 

La Cotinière - Wikipédia

L'habitat s'organise autour du port, premier port de pêche artisanale de la Charente-Maritime, 7 e port national dans cette catégorie et un des cinq premiers ports français pour certaines espèces, dont la crevette - La Cotinière a été le premier port crevettier pendant de nombreuses années, avant de céder cette place.

https://fr.wikipedia.org


La Cotinière fait partie de la commune de Saint-Piere d'Oléron et c'est le port de pêche le plus important des Charentes Maritimes et c'est même le septième port national dans cette catégorie...

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13 avril 2016

De Jarrie à Uriage en passant par Herbeys...

 

La balade de Jarrie à Uriage en passant par Herbeys est absolument magnifique. Il ne faut pas avoir peur d'emprunter des routes très étroites qui tournent beaucoup mais qu'est-ce que ça vaut la peine !

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10 avril 2016

Collectif La Méandre

Comme je passais à Chalons sur Saône vendredi 8 avril, j'en ai profité pour aller rendre une petite visite au

Collectif La Méandre

Le Collectif La Méandre habite dans un port, et se nourrit d'art, d'amour et d'eau fraîche. Le Collectif La Méandre a les écailles qui brillent mais n'est ni un monstre marin, ni un raz-de-marée. Le Collectif La Méandre est composé de rescapés du Collectif Alteréaliste, des acharnistes qui refusaient les lignes droites.

http://lameandre.org


Le collectif La méandre est installé sur les bords de la Saône... C'est vraiment magique...

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L'endroit est splendide. Ce sont des entrepôts de déchargement au bord du fleuve qui étaient désaffectés depuis bien des années. C'est immense et La Méandre a plusieurs entrepôts à sa disposition...

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Ils ont fait un travail de titan, et uniquement avec des matériaux de récupération, qui ne leur ont pas coûté un sou. Et c'est magnifique. Dès l'entrée, un comptoir de bar qui provient d'un grand hôtel bourguignon, avec Arthur qui nous salue !

 

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Manu, Julie et Mélissa aux épluchages pour le repas qui approche et auquel je suis convié... Anaïs et Ann-Chloé sont tout en haut, en train de travailler studieusement. Elles ne descendront que quand tout sera prêt... Eh oui, il faut bien faire avancer les affaires de la Compagnie !

 

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C'est un véritable enchantement pour les yeux. Partout où le regard se pose, il y a des choses à voir, des installations, des objets insolites, poétiques, décalés...

 

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Le dessin à gauche est d'Arthur. Ce dernier est en train, en ce moment, de travailler sur un dessin animé. Ses personnages sont empreints d'une formidable poésie.

 

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Les bureaux sont en haut ainsi que les dortoirs...

 

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Dans un entrepôt sombre, adjacent, il y a un véritable capharnaûm, une accumulation impressionante d'objets divers et hétéroclites, de matériaux de récupération de toutes sortes. Et on peut parfois y faire d'inquiétantes rencontres...

 

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C'est bien pour ça que Vicky préfère longer les bords de la Saône...

 

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Après un délicieux repas pris en leur compagnie, sous un beau soleil printanier, j'ai repris ma route pour Grenoble... Le temps s'est gâté dès que j'ai rejoint l'autoroute A6 et à partir de Lyon, il a fait un temps vraiment dégueulasse... Mais cela ne m'a pas du tout affecté parce que cette étape avait réellement enchanté mon voyage.

1 avril 2016

Un lieu de création à Gambais...

28 mars 2016

J'ai voyagé de Brest à Besançon...

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gap8

23 mars 2016

Le guet-apens poétique... Dimanche 20 mars 2016 à Pontchartrain

 

 

Thomas est vraiment un excellent photographe !!! Un grand merci, Thomas !!!

Merci infiniment à la Compagnie des Fugaces de Gambais et à la Compagnie des Méandres de Chalons sur Saône !!!

Le projet Escapade...

 

22 mars 2016

Le retour

jpmars2016

Et voilà...

Pierre d'écriture revient chez Canalblog finalement...

Sur le net, tout compte fait, rien ne vaut le gratuit...

Ici, je retrouve tous les posts que j'ai rédigés entre mars 2005 et octobre 2008; ils n'ont pas disparu, ils n'ont pas bougé, ils m'ont attendu bien sagement...
Et puis, j'ai voulu un espace vraiment à moi pour Pierre d'écriture. Cela faisait un bon moment que cette idée me taraudait. Alors, j'ai acheté un domaine : pierre d'écriture.fr et j'ai fabriqué mon site de toutes pièces... J'ai aussi acheté un domaine pierre d'écriture.eu et j'ai tenu un blog hébergé par Gandi. Bref, je me sentais vraiment chez moi.

Sauf que, pour conserver ce chez-soi, il fallait payer un loyer annuel. Oh, ce n'était pas très cher sans doute, mais il fallait songer à le payer, et puis ça arrivait toujours en même temps que les impôts fonciers...

Pendant des années, ça n'a pas été un gros handicap, mais voilà...
Premier gros tourment : l'espace pierre d'écriture.fr, je l'avais acheté chez Mavenhosting et c'était donc cette boîte qui hébergeait mon site. Un jour, ils ont eu un gros bug sur leur serveur et mon site a disparu des écrans radars. Je venais juste de payer mon écot pour l'année 2013-2014 et, du coup, je leur ai demandé de me rembourser. J'aurais pu remettre mon site sur pied chez Mavenhosting ou chez un autre hébergeur, puisqu'ils m'avaient remboursé. Mais je n'étais plus dedans, je ne me souvenais plus comment on faisait, il aurait fallu me replonger dans tout ça... J'aurais pris le temps de le faire, bien entendu, j'y serais arrivé, mais je n'en ai pas eu envie à ce moment-là. J'avais toujours encore le domaine pierre d'écriture.eu, je me suis dit que ça suffisait.
Deuxième gros tourment : j'ai eu de très sérieux problème de santé durant l'année 2015 et, de ce fait, je n'ai pas payé ma redevance annuelle à Gandi pour mon domaine pierre d'écriture.eu. Eh bien, ça n'a pas traîné : je devais m'acquitter de la somme avant le 31 octobre 2015, je ne l'ai pas fait : le premier novembre, mon nouveau blog avait lui aussi disparu des écrans radars. Et là, je n'avais aucune sauvegarde. Tous les billets édités entre octobre 2008 et novembre 2013 perdus corps et biens, engloutis à jamais dans les profondeurs abyssales du Net.

Voilà la rançon du sentiment d'être chez soi. C'est coûteux et instable. Chez Canalblog, la pub m'irritait certes, mais au moins c'était gratuit et je retrouve tous mes posts des années après. Finalement, c'est tellement appréciable !

Merci Canalblog. Merci beaucoup. Tout compte fait, je reviens chez moi...

16 octobre 2008

C'est moi !!!

Eh oui !!! Je ne suis pas mort !!!

Enfin, un peu, si, faut reconnaître que pendant quelques mois, je n'ai pas été très vivant !

Aujourd'hui, je suis ressuscité, disons, façon de parler, quoi ! Je vous rassure, je ne prends pas pour le Messie, même si je viens de finir l'excellent roman de Eric-Emmanuel Schmitt, l'Evangile selon Pilate...

Ce que j'avais promis se réalise, après un délai un peu long, c'est vrai, mais aujourd'hui, ça marche !!! (j'ai cru un moment avoir fait une promesse de gascon, et surtout que les gascons ne se fâchent pas...)

Pierre d'écriture est dans un nouvel espace, sans pub, (ouf !), un espace bien à lui, dans lequel je pense que vous vous sentirez bien. En tout cas, je le souhaite de tout coeur !

Venez m'y retrouver...C'est !!!p1

Oui !!! Super !!! Là !!!

La nouvelle adresse, c'est :

www.pierre-ecriture.fr

C'est pas le top, ça ?

PS : Et pardon à tous mes fidèles lecteurs à qui je n'avais pas répondu. Je vais dès à présent y remédier. Bon, en même temps, ils ne sont pas des centaines de milliers, non plus... Mais, justement, ils n'en ont que plus de valeur !!!

15 mars 2008

Trois ans déjà...

Et voilà...

Il y a pile trois ans que Pierre d'écriture est sur Canalblog, avec ce look, fond vert et photos à bords blancs...

Comme je le disais récemment, j'en ai plus qu'assez de ce bandeau de pub au dessus du blog. S'i y a une chose à laquelle je deviens totalement intolérant, c'est bien la pub.

Et ce billet est le cinq cent unième : comme je m'y étais engagé, il sera donc le dernier, l'ultime. Et ça tombe bien, pour ce dernier billet, j'ai élaboré une formule qui me semble forte, ce matin. Je vous la livre... Peut-être la trouverez-vous banale mais c'est pourtant le fruit d'un authentique cheminement philosophique. Ce pourrait être la conclusion d'un long traité de huit cents pages, bien argumenté et tout et tout...

Les gouvernements sont les maîtres d'hôtel des multinationales

Et l'éducation nationale est la femme de chambre des gouvernements...

Voilà, c'est tout... et si vous avez des doutes sur la première partie de l'affirmation, eh bien, allez jeter un coup d'oeil là, par exemple...

12 mars 2008

Cévennes

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Quelques traces éphémères laissées dans les Cévennes en fin de semaine dernière...

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